Tessi Kodjovi (Togo, né en 1974) est un sculpteur et plasticien dont la pratique interroge les cicatrices visibles et invisibles de la mémoire africaine contemporaine. Formé aux arts plastiques à Lomé, il s’inscrit dans une génération d’artistes qui explorent la transformation de la matière comme métaphore des transformations sociales, historiques et intimes.
Son médium de prédilection est le bois, qu’il marie avec d’autres matériaux comme le métal, le fil de fer ou la peinture pour exprimer la tension entre tradition et modernité. Les têtes sculptées de Kodjovi, figures totems à la fois archaïques et futuristes, incarnent une réflexion sur l’identité, la souffrance, la résilience et la réparation. Son geste artistique est à la fois radical et sensible : il fend, brûle, lie, colore… pour mieux révéler ce que le bois porte en silence.

Dans cette série intitulée Cicatrices, Tessi Kodjovi sculpte des têtes stylisées fendues verticalement, comme marquées par un traumatisme profond. La ligne rouge qui traverse le visage, mate et sanglante, évoque une blessure — intime ou collective — que viennent ceindre des anneaux de métal. Le bois, laissé brut, conserve la texture organique de la matière, tandis que les incisions géométriques renvoient aux scarifications rituelles traditionnelles.
Ces visages fermés, presque impassibles, portent les traces d’une histoire fragmentée. L’ajout de spirales métalliques suggère une tentative de réparation ou de contention, comme si l’artiste cherchait à empêcher l’éclatement, à maintenir en tension ce qui menace de se disloquer.
À travers ces sculptures, Kodjovi propose une lecture poétique et politique du corps africain blessé mais debout — porteur d’une mémoire douloureuse, mais aussi d’une force silencieuse.

Ces sculptures de la série Les gardiens des marques, puissantes, introspectives et stylisées jusqu’à l’essentiel de Tessi Kodjovi s’inscrivent dans une série d’explorations autour de la figure humaine. Sculptées dans un bois noirci, les pièces évoquent un visage archétypal, universel, à la fois ancien et intemporel. Des incisions parallèles, comme des scarifications ou des écritures, marquent la surface et la mémoire du bois. Elles racontent, en silence, une histoire de luttes, d’identité et de transmission.
Des anneaux métalliques viennent ponctuer l’œuvre : sur le front, la joue et le torse, tel un langage secret, une carte des douleurs ou des rites. Les craquelures naturelles du bois renforcent l’idée d’une matière vivante, qui a résisté au feu, au temps, à la pression.
Dans ces œuvres, Kodjovi conjugue la force brute de la sculpture africaine traditionnelle à une esthétique contemporaine épurée. Il interroge la permanence des marques visibles et invisibles — sociales, culturelles, spirituelles — qui façonnent l’humain.