Moustapha Sène, dit Tapha Sène, est né en 1953 à Saint-Louis du Sénégal. Après une jeunesse marquée par la richesse culturelle de cette ville, il quitte son pays pour s’installer au Togo, où il séjourne pendant dix-sept ans. Cette longue période hors de ses terres d’origine lui permet d’élargir son regard sur les formes et les rituels artistiques d’Afrique de l’Ouest, notamment à travers des séjours au Bénin et au Nigeria. C’est au contact de ces cultures diverses — Yoruba, Fon ou Éwé — qu’il développe une sensibilité singulière à la parure, aux tissus et à la symbolique des motifs. De retour au Sénégal, dans l’intimité de sa chambre transformée en atelier, il invente un langage plastique personnel, nourri de ses expériences et de son imaginaire spirituel. L’artiste, autodidacte et profondément enraciné dans les traditions africaines, se place à la croisée du geste rituel et de la création contemporaine.
Son style, foisonnant et vibrant, se distingue par l’emploi de matériaux textiles — broderies, perles, paillettes et fragments de tissu — qui évoquent la richesse ornementale des boubous sénégalais et des costumes de cérémonie Yoruba. Tapha Sène assemble ces éléments avec minutie pour créer des compositions d’une densité exceptionnelle, où chaque détail semble animé d’une énergie propre. Son œuvre Le Guérisseur incarne parfaitement cette démarche. Dans une composition dense et lumineuse, le guérisseur apparaît au centre, trônant sur un siège orné, entouré de ses attributs rituels et de figures en mouvement. Autour de lui, les cases symbolisent les espaces où les malades viennent se retirer pour recevoir soins et protection. La scène, animée de danses et de musiciens, évoque les rituels de guérison africains où le corps, la musique et la spiritualité s’unissent. Tapha Sène déploie ici tout son savoir-faire d’assembleur et de coloriste : chaque fragment de tissu, chaque éclat de verre ou de perle participe à une narration vibrante. Son travail, proche de la figuration libre des années 1980 (Di Rosa, Combas, Boisrond), s’en distingue par une dimension mystique et africaine affirmée. Entre célébration et exorcisme, Le Guérisseur est une œuvre monumentale, à la fois textile et picturale, où la matière devient lumière et où la création prend des allures de rituel de renaissance.
